Le freelensing est une technique photographique qui consiste à retirer l’objectif du boîtier photo lors d’une prise de vue. Ce procédé permet d’obtenir des effets uniques comme des fuites de lumière, un flou esthétique et des déplacements du plan de netteté.

J’ai découvert cette technique au début des années 2010, lorsque j’étais en plein questionnement sur la façon dont je voulais pratiquer la photographie. C’était également une période un peu compliquée de ma vie ; je cherchais alors à imprimer sur mes photos une intention, et surtout, un rendu particulier.
Je vous en reparlerai plus bas, mais tout d’abord, abordons le sujet par la technique.
Qu’est-ce que le freelensing ?
Rappel : la mise au point classique
Dans un fonctionnement ordinaire, la distance à laquelle vous réalisez une mise au point (automatique ou manuelle), détermine un plan de netteté qui est parallèle à votre capteur. Ce qui se situe avant ou après se retrouve progressivement dans une zone de flou qu’on appelle flou d’avant-plan et flou d’arrière-plan.
Le freelensing
Le freelensing consiste à tenir l’objectif de votre appareil légèrement éloigné du boîtier. Cela permet à la lumière de pénétrer par des angles inhabituels à travers l’objectif mais aussi d’atteindre directement sur le capteur.
Avec le freelensing, le plan de netteté n’est plus un plan parallèle au capteur de l’appareil photo. Selon l’angle adopté entre ce dernier et la perpendiculaire de l’objectif ; le plan de netteté peut se manifester sur une ligne de fuite et tout en profondeur entre le capteur et l’infini.
Avec le freelensing, il n’est plus nécessaire de compter sur l’autofocus (la mise au point automatique). Les seuls paramètres du triangle d’exposition sur lesquels le boitier peut vous assister restent les ISO et la vitesse. De mon côté, je suis toujours en mode manuel.
Avec le temps et à force de pratique, vous allez développer votre capacité à positionner plus facilement l’objectif et le boitier de façon à rendre nette la zone que vous souhaitez.
Les effets créatifs du freelensing
Flou artistique
Le déplacement du plan de netteté crée des effets visuels que les réglages classiques ne peuvent pas produire. Le freelensing permet de rendre floues des parties de l’image tout en laissant certaines zones nettes. Vous pouvez ainsi attirer le regard sur des détails très spécifiques.
En inclinant et pivotant ci et là l’objectif, vous pouvez déplacer la zone de netteté pour des compositions originales et très singulières.
Fuites de lumière
Avec le freelensing, vous avez la possibilité de capter un rayon lumineux à travers l’espace laissé par l’objectif. Ces fuites de lumières intentionnelles amènent des rayons incidents sur le capteur et offrent des artefacts incroyables.
Ces éclats lumineux donnent une atmosphère douce et poétique à vos images, idéale pour des portraits ou des scènes nostalgiques.
Aberrations et textures
La lumière qui traverse l’objectif de manière inhabituelle peut ajouter des distorsions subtiles ou des effets granuleux à l’image. Mais il n’y a pas que des avantages, il se peut aussi que vous vous retrouviez avec des zones entières avec des aplats flous, voire très flous et pas forcément esthétiques.
Comment pratiquer le freelensing ?
Préparez votre matériel
- Munissez vous de votre appareil photo à objectif interchangeable ;
- Choisissez une grande ouverture et faites les réglages d’exposition nécessaires ;
- Passez votre appareil en mode manuel (désactivez l’AF) ;
- Réglez une ouverture large pour maximiser la lumière et créer un flou plus doux, j’aime assez dire « plus onctueux » ;
- Détachez l’objectif et maintenez le proche du capteur, plus grande est la distance, plus compliquée sera la recherche de zone nette ;
Attention : l’ouverture du boîtier peut exposer le capteur à la poussière, il est donc crucial de travailler dans un environnement propre et de nettoyer régulièrement votre matériel.
Sur la photo ci-dessous, je souhaitais avoir le corps entier de la personne, malheureusement les pieds n’intègrent pas la zone nette qui parcourt une bande transversale. Vous pouvez d’ailleurs très facilement la distinguer ici.

La prise de vue
- Orientez l’objectif pour laisser passer des rayons lumineux et créer des fuites de lumière artistiques ;
- Déplacez vous souvent pour capter les rayons de lumière ;
- Essayez différents angles pour obtenir la zone de netteté là où vous souhaitez diriger le regard ;
- N’hésitez pas à prendre plusieurs clichés en bougeant de manière mesurée l’objectif pour maximiser vos chances d’avoir une photo exploitable. Ce n’est toujours pas évident de réaliser la mise au point où on le souhaite et il y a souvent des déchets.
Il y a plusieurs éléments sur lesquels on peut faire la netteté pour appuyer ses compositions. Vous remarquerez qu’il est possible d’inclure des éléments situés au premier plan, comme sur la photo ci-dessous, où les feuilles semblent prendre des proportions gigantesques.

Le freelensing dans ma pratique photographique
A la recherche de la singularité
Comme de nombreux photographes lorsqu’ils débutent, j’ai fait deux erreurs. J’ai voulu acquérir rapidement du matériel haut de gamme tout en pensant, que dans le même temps, j’allais acquérir de la maitrise technique et ainsi évoluer.
Il faut se rendre à l’évidence, cela n’a pas fonctionné avec moi.
La technique ne fait pas tout. Vraiment.
Alors bien sûr, pratiquer aide à progresser. Mais que faisons nous lorsque nous faisons face à un plafond de verre. Il faut investir dans des formations me direz vous. Cela aurait sans doute aidé, je ne l’ai pas fait car les seuls photographes qui proposaient une vision à laquelle j’adhérais n’étaient tout simplement pas accessibles.
Que pouvons nous mettre en œuvre pour atteindre le Graal qu’est la singularité lorsqu’on pratique une discipline artistique ?
L’océan de coton
Vous êtes vous déjà posé ces questions :
- Sous quelles formes les souvenirs vous apparaissent ils ?
- A quoi ressemblent vos rêves lorsque vous vous en échappez ?
- Quelles textures et détails se dégagent des images que vous vous mettez en tête ?
Pour ma part, rien n’est jamais tout net. Je perçois des motifs flous, lorsque je me souviens ou que j’imagine, je baigne dans un océan de coton. Lorsque je m’y déplace, de façon consciente ou non, certains repères gagnent en détail.
Ne vous éloignez pas, on se rapproche.
L’heureux hasard

Cette photo est le point de départ de mon voyage photographique, voyage qui m’amènera d’ailleurs plus tard sur les rivages de la Synapsie. Elle m’a fait réaliser que je voulais retrouver un rendu très particulier : un flou onctueux et des motifs soyeux. Je voulais inviter les spectateurs, et à commencer par moi-même, à vivre une expérience onirique. Cette invitation au voyage serait initiée par cette empreinte visuelle qui nous appelle et nous échappe ; cette empreinte semblable à celles qui habitent nos songes.
La prise de vue, le post-traitement et le fait d’avoir écrit un texte autour de cette photo sont autant de processus qui ont contribué à formaliser ce qu’il me manquait et ce vers quoi je voulais aller.
Je ne savais pas ce que je cherchais, et pourtant je l’ai trouvé.
Et ce que je veux, c’est du flou !
La singularité (enfin presque)
Mais ce n’est pas le flou d’arrière plan aseptisé nous livrent les objectifs et leur grande ouverture qui font des profondeurs de champs si petites. Non, ce que je veux, c’est aussi un lâcher prise et une perte de maitrise. Je veux pouvoir laisser opérer l’instinct brut. Si le cerveau est moins sollicité, est-ce qu’on ne se rapprocherait pas de sa propre authenticité ?
Mais attention ! Hors de question de renier les connaissances techniques. Il faut pouvoir s’appuyer des rituels qu’on aura élaboré lors de notre apprentissage pour se mettre dans les meilleures conditions. Et lorsqu’il s’agit de photographier l’humain, il ne faut pas non plus oublier la morale, la bienveillance et le respect.
C’était donc la première étape de mon parcours photographique, une première marche haute de franchie sur le chemin vers une démarche personnelle et singulière. Cependant, je savais déjà qu’il restait encore beaucoup à faire.
Je n’ai pas fini de vous raconter des histoires.
Quelques exemples
Je vous invite à parcourir mon portfolio pour découvrir d’autres clichés réalisés en Freelensing dont du portraits et des nu artistiques.
Remerciements

Je dois beaucoup à une personne, sans qui je n’aurais pas été en capacité de faire du freelensing avec autant d’aisance et de sécurité. Merci Guilhem.
Merci à toi aussi Caroline, pour l’heureux hasard.