Je ne me lasserai sans doute jamais d’admirer les levers ou les couchers de soleil. Ce que j’apprécie encore plus c’est de pouvoir plonger mon regard dans les océans et mers de nuages ; et de m’y perdre.
La première fois que j’ai pu en observer, c’était du côté de Samoëns. C’était lors d’une randonnée imprévue et qui m’avait mené sur les hauteurs, au Col de Joux Plane. Cet automne, j’ai voulu retrouver à nouveau cette atmosphère si spéciale. Alors quoi de mieux qu’une retraite en solitaire pour prendre le temps et profiter des instants.
Mais est-on vraiment seul face à la montagne ?
Samedi 9 novembre : la promesse
Direction Verchaix
Je vais chercher les provisions et je décide de partir tranquillement en fin de matinée. Nul besoin de charger le programme de ce premier jour. Après avoir récupéré les clés, j’irai sûrement dire bonjour au Mont-Blanc.
Près de deux heures de trajet, et je quitte enfin l’autoroute A40. Après le péage, je suis interpellé au travers du rétroviseur, et je m’arrête. Les yeux levés, je perçois une promesse, une lumière qui insiste et qui dessine la silhouette de ces centaines d’arbres presqu’engloutis par la brume. Je déclenche et me remets en chemin.

Je me dirige vers Verchaix où j’ai trouvé à louer un petit appartement. Sur le chemin, je vois ci et là des nuages accrochés aux montagnes. Il semblerait que la vallée se découvre petit à petit et il est vraisemblable qu’elle devait être noyée par une mer de nuages tôt le matin et encore un petit peu en début de jour.

L’appartement est parfait, je me pose et me repose. Puis vient l’heure de prendre la route pour le Col de Joux Plane. Je dois chercher comment rejoindre rapidement la Bourgeoise pour ne rien rater du coucher de soleil.
Vers la Bourgeoise
Je trouve rapidement de quoi me garer en bord de route ; des emplacements restreints sont disponibles sur les côtés juste avant d’attendre le parking principal.
Il ne me faut pas plus de 30 minutes pour rejoindre la Bourgeoise en portant tout le matériel photographique mais également du fromage et de la bière.


Cela doit faire quelques jours que les mélèzes ont cessé de s’enflammer. Cependant, cette rouille automnale transforme le paysage en un écrin rare. Le rouge et le vert entourent les Allamands sous la pointe du Tuet.

Certains sont venus à pied pour repartir de leurs propres ailes.

Le spectacle est à la hauteur de l’attente, comble mes espérances. Mais vous le savez, lorsque le soleil décline, il semble fuir plus rapidement sur la fin. Et alors qu’il lui tarde de se coucher, un voile atmosphérique semble se lever.
La vallée prend une enveloppe pastel.

Je redescends. Au loin, l’horizon lui aussi est pastel.

Je décide de rester au col pour la soirée, j’ai rendez-vous, entre autres, avec Jupiter et les Pléiades.

Dimanche 10 novembre : la brume aux teintes orangées
La matinée est déjà bien entamée lorsque je m’ouvre les yeux ; je n’aurai vraisemblablement pas le temps de partir pour la randonnée prévue vers le lac d’Anterne. Ce sera pour une prochaine fois.
Le déjeuner passe, le temps également. Je décide alors de faire une balade digestive et touristique, direction le bout du monde.
En chemin, je fais une rencontre éphémère.

Lorsqu’on sort de Verchaix, on domine la vallée du Giffre. Si on un peu de chance, on peut observer des îles et presqu’îles.

En cet après-midi d’automne, je baigne dans une lumière qui s’apparente à une lumière de fin de jour. L’automne est propice à cette ambiance. Imaginez des milliards de photons qui s’agrippent à vous et qui, les yeux fermées, vous révèlent cette brume aux teintes orangées.

Je m’arrête souvent en bord de route.
Lorsque j’arrive sur le parking pour le Bout du Monde, je croise la valse des voitures qui en repartent. Il est bientôt 17h et je sais que le retour se fera à la lumière de la frontale.

Lundi 11 novembre : la mer de nuages
J’ouvre l’œil, il est 6h passé. Et si je retournais sur les hauteurs pour assister au lever de soleil ? Je me connecte à la webcam du Col de Joux Plane. Et ce que j’y vois finit par me convaincre de m’habiller et de prendre la route. Cette dernière est habillée par la brume ; au fur et à mesure que je prends de l’altitude, elle s’épaissit avant de me laisser m’échapper lorsque j’atteins ma destination.
Je presse le pas, je ne veux pas rater le moment où soleil sortira de sa tanière. Comme je marche sur le flan de la montagne, un seul horizon s’ouvre à moi. Je vois se dessiner les promesses de l’aube qui se lève.
Plus que quelques mètres.

A bout de souffle puis le souffle coupé. Le spectacle est extraordinaire.


Je suis envahi par les émotions, par un vent de poésie. Je ne l’avais plus entraperçue depuis un moment, peut-être lui avais-je tourné le dos.
Mais à ce moment, et du plus profond des abysses de mon être, elle a ressurgit et émergé d’entre les vagues. Elle vient frapper à nouveau au rythme du ressac.

Et vous, l’entendez vous ?




Une réponse
Bien sûr que nous l’entendons, et ce, grâce à tes images et mots l’artiste! Magnifique récit du bout du monde, du bout de tout, mais surtout du bout de la beauté des montagnes, nuages et forêt. Merci pour ce récit tant visuel qu’écrit et pour sa très poétique poésie. Elle est venue te visiter, pas de doute, et t’a insufflé les mots et les images. Puissions-nous encore et encore nous abreuver de cette tendresse enrichit par le beau, le grand et le vivant.